"Partie du vêtement qui couvre et orne la tête. Un chapeau est nécessaire pour préserver la chevelure et la mettre à l'abri des impuretés de l'air. Il protège des intempéries durant la mauvaise saison et, en été, ses bords abritent les yeux et la boîte crânienne des rayons du soleil.
De toutes les parties du costume féminin, il n'en est pas une qui soit plus tributaire des caprices de la mode. [...]
Un chapeau doit embellir une femme ; pour cela, il faut tenir compte des lignes de son visage pour corriger ce qu'a d'excessif ou d'effacé telle ou telle partie de ce visage et mettre en valeur, au contraire, une ligne noble ou un contour plein de grâce. Enfin, un heureux assemblage de couleurs, une forme en harmonie avec le costume sont la marque du bon goût."
Il faut ajouter à ces fonctions de protection et d'embellissement la fonction sociale.
Ce livre , paru en 2000 et écrit par Nicole Le Maux, collectionneuse qui a réuni quelques 500 chapeaux de 1780 à nos jours, présente cette fonction ainsi (p. 56 et 57):
"L'importance du chapeau sur le plan social s'est imposée dès 1789 : les aristocrates, les bourgeoises ont peu à peu délaissé le bonnet, du moins à l'extérieur, pour se parer du chapeau. Seules les femmes du peuple conservaient le bonnet : «Laissez le bonnet du hameau pour le joli chapeau Deville» chantait-on pendant le Directoire.
Le chapeau révèle non seulement le goût mais aussi le niveau social voire culturel. Le peintre Maurice Delondre en donne une charmante illustration dans son tableau intitulé «Dans l'omnibus», 1890 : l'œil est irrésistiblement attiré par la coiffure des trois femmes qui signale leur position sociale. A côté de la paysanne aux mains nues, coiffée d'un bonnet, l'élégante aux longs gants noirs porte une capote nouée sous le menton ; en face d'elle, une bourgeoise, aux longs gants clairs, assise près d'un carton à chapeaux, porte un petit chapeau rond fieuri.
Le chapeau peut aussi signaler la provinciale à Paris : rien n'est plus désastreux et le Guide dit conducteur parisien, en l83O, insistait auprès des provinciales en visite à Paris : «Qu'elles ne s'avisent pas de vouloir conserver les chapeaux mal faits ou les robes mal taillées de la province : ce serait se donner un ridicule affreux... il est presque ridicule de garder à Paris un chapeau et des souliers venus de province.»
En 1902, la Mode illustrée souligne, parmi les judicieux conseils dont elle abreuve ses lectrices, celui-ci : « Si la question du chapeau n'est en aucun temps négligeable, elle prend, avec le mois qui commence, une extrême importance. C'est maintenant en effet, que s'ouvre l'ère des visites, des matinées de tout genre, des ventes et fêtes de charité. C'est maintenant aussi que nous entrons dans la période brillante des concerts et de la saison théâtrale : autant de circonstances où le chapeau est appelé à jouer un rôle capital dans la toilette, à laquelle il peut et il doit fournir un précieux contingent d'élégance. Il faut donc que vous sachiez, Mesdames, ce qui se porte actuellement, et que vous soyez au courant des nouveautés qui ont surgi depuis peu.»
Simone de Beauvoir, dans Les Mémoires d'une jeune fille rangée, témoigne qu'en 1920 «une jeune fille bien vêtue mais qui ne portait pas de chapeau : à l'époque, c'était tout à fait incorrect ...»
On n'imagine pas, dans un roman contemporain, un détail tel que celui que donne François Mauriac, dans Thérèse Desqueyroux, en 1927 : «Anne de la Trave avait un manteau de petit gris, un chapeau de feutre sans ruban ni cocarde, «mais, disait Mme de la Trave, il coûte plus cher sans la moindre fourniture, que nos chapeaux d'autrefois avec leurs plumes et leurs aigrettes. C'est vrai que le feutre est de toute beauté. Il vient de chez Lailhaca, mais c'est le modèle de Reboux [modiste de 1860 à 1920]».
"En 1968, la fonction sociale du chapeau s'estompe ; le chapeau devient un objet de rêve, de fête" explique le modiste Jacques Pinturier - rôle nouveau, séduisant, mais réducteur, sauf si l'on considère que "mode" et art se rejoignent."
Dans ce livre, LE CHAPEAU est présenté comme UN ACCESSOIRE CHARGÉ DE SENS
Accessoire capital dans l'histoire du costume, le chapeau a connu, comme d'autres, des succès divers, passant de la plus grande laveur à un délaissement de plus ou moins longue durée. Son histoire est inévitablement liée aux événements historiques, économiques et sociaux.
Le chapeau exprime une opinion politique. La venue à Paris du populaire Benjamin Franklin, père de l'Indépendance américaine, coiffé d'un haut-de-forme, lance ce modèle repris ensuite par tous les révolutionnaires alors que les élégants royalistes, les «muscadins», continuent à se coiffer d'un tricorne et à porter la perruque poudrée. Il indique une attribution, un grade, il est un signe. Le bicorne prend une importante nouvelle sous le Premier Empire, qui dote tous les corps de l'Etat d'un costume officiel de cérémonie. Les éléments de base (cocarde, ganse, bouton) permettaient alors l'identification du porteur.
Il marque une position sociale. La hauteur du hennin, coiffure féminine du Moyen Age, différait selon le rang de la personne ; il en était de même pour la coiffure régionale. Cette dernière pouvait être plus ou moins haute, avoir plus ou moins de rangées de dentelle.
La représentation sociale d'une coiffure a souvent évolué selon les époques. Ainsi, au début du siècle, la casquette, caractéristique des classes ouvrières, est ensuite adoptée pur les classes aisées. Les gentlemen l'utilisaient pour voyager ou pour pratiquer un sport. Le chapeau melon, considéré comme coiffure négligée dans les années 1860. devient le chapeau de cérémonie par excellence après la guerre de 191 1-1918, lorsque le haut-de-forme est délaissé par tous les hommes. A certaines périodes. se coiffer d'un melon, d'un feutre mou ou d'une casquette exprimait bien un attachement aux valeurs et aux coutumes sociales, tout comme le rejet du couvre-chef, quel qu'il soit, dans les années 1960, correspondait au refus des contraintes et à une soif de liberté.
II est aussi un symbole. Le bonnet phrygien été adopté par les sans-culottes comme l'insigne de la liberté. A l'origine, il avait été porté par les soldais perses puis par les Phrygiens, soumis par les Perses. Après sa conquête par Alexandre, la Phrygie fournissait à la Grèce un fort contingent d'esclaves qui se coiffaient du bonnet phrygien. Tout d'abord symbole de l'esclavage, il devint celui de l'affranchissement."
Et aujourd'hui ? Depuis le vent de liberté qui a soufflé dans les années 70, le port du chapeau n'est plus une obligation sociale. Avec elle ont disparu les usages qui y étaient attachés, ainsi que leurs significations. Les précis de savoir-vivre et autres étiquettes ont depuis longtemps été relégués aux oubliettes.
Enfin, pas vraiment. Car un certain nombre d'usages relève tout simplement de la politesse, base du savoir-vivre ensemble et du respect d'autrui. Encore que la notion de respect soit facilement galvaudée et mise à toutes les sauces. Le respect est peut-être aussi une notion qui a à voir avec le ressenti.
Dernièrement, je me suis étonnée de comportements que j'ai qualifié de discriminatoires : dans l'enceinte d'un lycée, il a été rappelé à un jeune homme qu'il devait ôter sa casquette, alors que cela fait belle lurette que j'en franchis le portail coiffée d'un chapeau sans que l'on m'en fasse la réflexion. Discrimination anti-jeune ou discrimination anti-vieille ? Ou plus simplement passe-droit liée à mon statut ? Moi qui aime les situations équitables, mais aussi porter un chapeau, cela ne pouvait que m'interpeller. Depuis je cherche une explication.
Il semblerait que depuis 2004 ait été introduit un nouvel article dans de nombreux règlements intérieurs scolaires : l'interdiction de tout couvre-chef, soit pour faire écho à la loi sur la laïcité qui interdit tout port de signe ostentatoire (dont le voile), soit pour renforcer le respect dû au corps enseignant.
A vérifier, mais je suis peut-être en infraction (à l’insu de mon plein gré). A moins que l'usage ancien, qui voulait qu'un homme se découvre alors que ce n'était pas attendu d'une femme, se soit incrusté dans la mémoire collective de manière à ce qu'il ne me soit pas reproché de porter un chapeau ?
Et si j'osais une opinion pour explication (d'autres diraient un jugement) où la modestie n'a pas sa place : l'élégance du chapeau l'emporte largement sur le mauvais goût de la casquette portée la visière sur la nuque ou posée sur le haut du crâne. Autre différence de taille : le jeune porte sa casquette de la sorte pour se faire reconnaître par ses pairs et "être" dans la norme, alors que je cherche avant tout à me faire remarquer !
Ah, j'oubliais une autre différence de taille : j'ôte mon chapeau lorsque je m'installe, alors que le jeune a souvent besoin qu'on lui rappelle cette règle élémentaire.
Eh! Pourquoi tu nous menaces d'arrêter ce blog? Je lis avec autant de plaisir les récits de tes excursions à vélo que tes "récits de visite de musées" ou tes exposés sur les vêtements et chapeaux ou sur les grèves historiques de Décazeville... Et puis, j'apprends plein de choses (même si j'en retiens peu). Ça part un peu dans tous les sens, mais ce feu d'artifice te ressemble assez, je trouve... Moi, je ne m'en lasse pas!!! A bientôt!!!
RépondreSupprimerPas de question du jour, aujourd'hui?
Et, ben dit donc, tu en as mis du temps à réagir !
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